Carte postale lyonnais incluant le Bourbonnais

Réponse de la Documentation Lyon et Rhône-Alpes

Bonjour,

Sans voir la carte postale dont vous parlez, nous pouvons d'abord vous certifier que la zone géographique du Lyonnais, qui peut être considéré comme un terroir ou bien un pays, n’a historiquement jamais compris le territoire du Bourbonnais. En revanche, les zones de Villefranche-sur-Saône et de Saint-Etienne sont parfois intégrées au Lyonnais.

On peut aussi s’appuyer sur l’histoire des langues vernaculaires utilisées en Bourbonnais pour comprendre que ce territoire fut partagé entre langue d’oc, langue d’oïl et même une partie justement influencée par le franco-provençal (qui se rapproche de l’aire de Rhône-Alpes).
Par ailleurs, historiquement, culturellement, économiquement…l’Auvergne a toujours été plus tournée vers Rhône-Alpes que vers l’ouest.

Ce n’est qu’en 1972, avec la création des régions, que le Bourbonnais est administrativement rattaché à Clermont-Ferrand. Et ce ne fut pas des mieux accepté, car le Bourbonnais a une identité historique forte.
Dans un numéro hors-série (2005) de Rhône-Alpes Auvergne, une interrégionalité en marche, les auteurs se demandent même pourquoi l’Auvergne et le Limousin semblent-ils se tourner le dos ?

Pour vérifier la justesse de notre réponse et vous apporter d’éventuels compléments, merci d’envoyer la carte postale à gds_support@bm-lyon.fr.

Bonjour,

voici la carte postale en question :

Suite et fin de l’enquête !

C’est bien grâce à la perspicacité d’une collègue du département Sciences de la Bibliothèque municipale que nous avons pu trouver la réponse à votre question.
Grâce à la fonctionnalité reconnaissance de Google image, nous avons pu retrouver votre document. Nous l'avons trouvé sur un blog, qui répertorie des bons-points Butagaz édités à partir d’un ouvrage dont votre carte est extraite (les bons-points sont de qualité moindre, imprimés en bichromie).
Il s’agit donc d’une image extraite de l’album Les provinces de France illustrées et leurs divisions départementales, illustré par J.-P. Pinchon, le grand dessinateur de Bécassine. Cet album, conservé à la Bibliothèque nationale de France, contient 48 planches de cartes illustrées. Ce livre a été édité en 1927 et en 1946. Replaçons-nous dans le contexte de l’entre-deux-guerres, particulièrement intense en mouvements folkloristes et en 1946, juste après-guerre, où le sentiment d’appartenance à une Nation en reconstruction est encouragé.
La bibliothèque municipale de Lyon conserve un ouvrage sur l’illustrateur Pinchon, issu d’une exposition qui eue lieu à Noyon en 1988, sa ville natale : J. P. Pinchon : 1871-1953 : peintre et dessinateur (28 mai-10 octobre 1988, Noyon, Musée du Noyonnais).

Il est intéressant de lire le dos du bon-point, qui porte :
Bourbonnais
Capitale : Moulins. Réuni à la couronne sous François Ier (1527), par la confiscation des biens du Connétable de Bourbon.
Le Bourbonnais forme le département de :
Allier (chef-lieu : Moulins ; sous-préfectures : Montluçon, La Palisse, Gannat).
Et une partie du département du Cher.

Lyonnais
Capitale : Lyon.
Acquis par Philippe IV Le Bel (1312). Le gouvernement comprenait le Beaujolais, le Roannais, le Forez, appartenant au Connétable de Bourbon et confisqués par François Ier. (1527).
Le Lyonnais forme les départements de :
Loire (chef-lieu : Saint-Etiennne ; sous-préfectures : Roanne ; Montbrison)
Rhône (chef-lieu : Lyon ; Sous-préfecture : Villefranche)

A travers cette imagerie, on touche à l’agrégation du Royaume de France qui deviendra la Nation française, mais surtout à la constitution du Roi comme seule autorité sur ses sujets. Car derrière cette carte, on voit se dessiner l’ombre de grands féodaux, les Bourbons (et en particulier le Connétable Charles de Bourbon), sur lequel vous trouverez plusieurs ouvrages à la Bibliothèque municipale de Lyon, par exemple Charles de Bourbon : connétable de France.
Celui-ci vit sa terre, le Bourbonnais (Moulins), être érigée en duché. Il fut également Comte d’Auvergne et de la Marche, mais surtout, pour ce qui vous intéresse, Comte du Forez et même seigneur du Beaujolais. C’est pour cette raison que l’on voit sur cette carte les terres du Forez et du Beaujolais associées au Bourbonnais.

Dans Le Forez en dates et en cartes, on peut lire que le 25 avril 1536 « François Ier prend possession du Forez. C’est le point final d’un conflit de succession qui dura dix ans. Jusqu’en 1532, le comté de Forez (dans le royaume de France depuis environ 350 ans) ne fait pas partie du domaine royal. Il est donc hors d’autorité directe du roi. Ces terres appartiennent au Connétable de Bourbon, en butte depuis son veuvage (1521) aux manœuvres de François Ier. »

L’histoire est plus compliquée concernant le Beaujolais. Dans l’ouvrage Le Beaujolais en dates et en cartes, il est expliqué comment, le 23 juin 1400, Edouard II de Beaujeu cède le Beaujolais aux Bourbons. « C’est ainsi que Pierre de Bourbon devint seigneur d’un Beaujolais qui comprenait alors le Beaujolais actuel, ainsi que la Dombes « à part de l’Empire » […] ».
On apprend qu’ensuite, le connétable Charles de Bourbon perd cette terre.
« Mais les héritiers des Bourbons veillaient au grain ![…] ». Les Montpensier (branche cadette des Bourbons) récupèrent le Beaujolais et la Dombes en 1560. Puis en 1695, « C’est alors que le Beaujolais va être divisé, celui d’outre-Saône (la Dombes) échera au duc du Maine […] et le Beaujolais à la part du Royaume ira grossir les possessions du duc d’Orléans, Philippe. »
La Dombes (Ain) ne fut, quant à elle, rattachée à la France qu’en 1762.

Un autre ouvrage de référence : Le pays lyonnais en dates et en cartes.

Au sortir du Moyen Age, l’assise territoriale de l’autorité royale et par là, le pouvoir royal lui-même, est l’objet de luttes féroces.

En dessinant les provinces d’ancien régime, qui étaient organisées en intendances et en généralités, J.-P. Pinchon montre en quelque sorte ce que fut « la France avant la France ». Dès lors, on voit bien que la création des départements en 1793 s’est parfois appuyée sur des limites géographiques historiques existantes mais a plus souvent utilisé des limites topographiques naturelles.
Rappelons-nous que les régions n’ont été créées qu’en 1972.

Par ailleurs, l’ouvrage 1601-2001, rattachement des pays de l'Ain à la France rappelle notamment les épisodes historiques relatifs au rattachement de la Dombes (de l'Ain) à la France.